Poèmes

Tous les textes de Bonnefoy - poésie, proses, essais - comportent une suite de moments, comparables à ceux d'une traversée, où veille un désir partagé entre le souvenir et l'espoir, entre le froid nocturne et la chaleur d'un feu nouveau, entre la dénonciation du "leurre" et la visée du but. Ils se situent, pour ainsi dire, entre deux mondes (dans l'histoire personnelle, comme dans l'histoire collective) : il y eut un monde, une plénitude de sens, mais qui ont été perdus, brisés, dissipés. (C'est l'affirmation par laquelle commencent les doctrines gnostiques - et de les partager sur ce point rend Bonnefoy d'autant plus attentif à s'en séparer dans les étapes ultérieures.) Pour qui ne se laisse pas prendre aux chimères, ni au désespoir, il y aura à nouveau un monde, un lieu habitable ; et ce lieu n'est pas "ailleurs", ni "là-bas", il est "ici" - en le lieu même, retrouvé comme un nouveau rivage, sous une nouvelle lumière.